Les textes que nous venons d’entendre nous parlent de prophètes. Ils nous en font voir deux figures. Jérémie, six siècles avant Jésus, raconte sa propre vocation. Dans l’évangile, Jésus apparaît comme prophète universel, mais rejeté dans sa propre ville. L’équipe de préparation de cette célébration s’est longuement interrogée sur le sens de ces textes, sur ce qu’ils peuvent nous apporter aujourd’hui. Oui, finalement, c’est quoi un prophète? Et, derrière ces deux figures de Jérémie et de Jésus, qui, aujourd’hui, est prophète ?
Jérémie n’était pas candidat. Il est choisi avant même de naître, il est consacré par Dieu. Je fais de toi un prophète, lui dit Dieu. On n’est pas candidat au poste de prophète, on ne postule pas. On est appelé. Mais qui est appelé ? Seulement une élite ? Rappelons-nous la formule dite lors du baptême, au moment de l’onction avec le saint chrème: tu es prêtre, prophète et roi. L’appel s’adresse à nous tous, tous les baptisés. Sommes-nous prophètes, je ne sais pas, mais en tout cas nous sommes tous appelés à l’être, c’est-à-dire à proclamer la parole de Dieu, à l’annoncer.
Les textes nous le disent, être prophète n’est pas forcément une situation confortable. Quand Jérémie relit sa vie, il revoit les persécutions, les combats, les reproches dont il a été la cible. S’il a tenu bon, c’est par la certitude que Dieu le soutient. Seigneur, tu es mon espérance, mon appui dès ma jeunesse, nous dit le psaume. Tu as été mon secours et ma force. On peut penser que Jérémie connaissait ce psaume: c’est en Dieu qu’il a trouvé sa force.
Des siècles plus tard, Jésus à son tour se présente en prophète rejeté. Notre évangile reprend le texte entendu dimanche dernier. Rappelons-nous: nous avions laissé Jésus à la synagogue de Nazareth. Reprenant le texte d’Isaïe, il s’était annoncé comme le libérateur des pauvres, des captifs, des aveugles, des opprimés. C’est aujourd’hui que cette parole s’accomplit, leur disait-il. Mais ici le ton change. Ses auditeurs passent de l’émerveillement au soupçon. Lui, le fils de Joseph, est-il bien le prophète qu’il prétend être ? Jésus a bien perçu leur intention de le confisquer, d’utiliser sa puissance pour eux-mêmes, pour leur avantage exclusif. La réponse de Jésus peut nous gêner tant elle paraît provocante, mais il est là pour dénoncer les sentiments de ses auditeurs, les faire éclater. Dieu dérange quand il dévoile nos petits calculs égoïstes.
Alors, pour Jésus, c’est l’occasion d’enfoncer le clou sur le sens de sa mission. En prenant les exemples de la veuve de Sarepta et du syrien Naaman, il montre que la mission du prophète dépasse les frontières. Il annonce l’universalité du salut, tout comme Jérémie était fait «prophète pour tous les peuples». Le salut qu’il apporte n’est pas réservé à quelques-uns, à une communauté, il est pour tous.
Nul n’est prophète en son pays. Cette parole de Jésus devenue proverbiale montre la difficulté de sa mission (le prophète peut être rejeté), mais aussi la grandeur de cette mission (elle est destinée à tous). Alors, pour nous aujourd’hui, appelés par notre baptêmes à être prophètes, c’est une invitation à aller vers de nouveaux pays, à dépasser nos frontières, à sortir de nos espaces habituels, pour rejoindre les pauvres, les captifs, les aveugles, les opprimés. C’est dans l’aujourd’hui de nos existences que la parole de Dieu s’accomplit. Nous sommes prévenus, ce n’est pas forcément un chemin facile, il peut être source de combats, avec les autres, avec nous-mêmes. Les obstacles sont bien réels, autour de nous, mais aussi en nous. Pour les dépasser il nous faut sans doute retrouver l’audace de Jérémie pour être, à notre tour, prophètes dans notre monde.
Cette audace, nous la trouverons dans notre confiance en Dieu. Il est notre soutien, notre force, nous dit le psaume. Il est l’amour, nous dit saint Paul. Un amour qui dépasse tout, puisqu’il est amour de charité. C’est l’amour tourné vers l’autre qui nous rend acteurs, dans nos lieux de vie, dans le monde.
Alors, c’est quoi être prophète ? Et si c’était, tout simplement, annoncer cet amour de Dieu, à travers ce que nous sommes, ce que nous faisons ? Osons dépasser nos frontières pour annoncer l’amour de Dieu à nos frères. Alors, nous serons prophètes.
Paul Bosse-Platière (né en 1937) est diacre depuis 1982. Marié à Brigitte, ils ont cinq enfants et neuf petits-enfants. Ancien informateur religieux à Ouest-France. Membre de l’équipe diocésaine des exorcistes, il assure un service d’accompagnement spirituel.
Vincent Hallaire est diacre. Délégué diocésain à la pastorale des migrants.
Vincent Massart a été ordonné diacre permanent le 26 mars 2006. Marié depuis 1981, il a 4 enfants. Sa mission diocésaine comporte l’animation de la pastorale des médecins et il participe au bureau diocésain du diaconat. A la paroisse, il fait partie de l’équipe “Accueillir et Partager”.
Jean-Claude Lemaître, prêtre à St Augustin, depuis septembre 2011.
Mission principale : prêtre accompagnateur du catéchuménat diocésain.