Il y a un côté dramatique dans le récit que nous venons d’entendre. Avant de recevoir l’adhésion de Pierre, Jésus se voit d’abord contester, par ses propres disciples. Des disciples qui récriminent, et finissent par partir. Alors, simple incident de parcours dans la vie de Jésus? Non! C’est beaucoup plus important, il s’agit de l’enjeu même de l’évangile.
Et en cela, ce récit nous concerne:
La réaction de refus des disciples nous renvoie à nos propres réactions, de défense, d’indifférence peut-être, lorsque nous hésitons à nous mettre à la suite du Christ.
Rappelons le contexte. Cet épisode clôt la longue méditation développée dans l’évangile de saint Jean, ce discours sur le pain de vie, que nous suivons en continu depuis 5 dimanches. L’histoire avait pourtant bien commencé, avec la multiplication des pains. Jésus rassasie les foules. Là, on peut imaginer que personne ne récrimine. Mais le vent tourne lorsque Jésus explique que c’est lui qui se donne en nourriture. La multiplication des pains n’est pas qu’une affaire d’intendance alimentaire, aussi importante soit-elle. Le pain que je donnerai, dit Jésus, c’est ma chair. Celui qui mange de ce pain, vivra pour toujours. Des propos inconcevables pour certains disciples qui sont scandalisés et décident de le quitter.
Et pourtant l’enjeu de cette parole est rien moins que… la vie! et la vie éternelle! Dieu nous veut des hommes et des femmes vivants, emplis de sa vie à lui, de son amour infini. Dieu nous veut vivants, il nous veut aussi… libres! Cette liberté s’exprime dans le choix qui est laissé, à chacun, de suivre ou non Jésus.
Notre première lecture montrait déjà l’importance du choix. Quand Josué invite le peuple à s’engager au service du Dieu d’Israël, il dit: Choisissez aujourd’hui qui vous voulez servir.
Nous retrouvons cette même importance du choix lorsque Jésus s’adresse aux Douze:
Voulez-vous partir, vous aussi? Jésus ne demande pas à ses apôtres de rester, il leur demande s’ils veulent partir. La nuance peut paraître subtile, en fait elle est importante: l’homme est toujours libre de répondre oui ou non à l’appel du Seigneur. Libre de choisir. Et ce choix ne cesse de nous être proposé, encore aujourd’hui, à chacun de nous.
Réentendons la réponse de Pierre: vers qui pourrions-nous aller? C’est une belle réponse qui dit que la foi, c’est « aller vers », c’est un chemin. Croire, c’est choisir, de servir Dieu, en nous mettant sur ce chemin, à la suite de Jésus. Croire implique notre volonté, notre totale liberté.
Mais croire, c’est d’abord un don à accueillir. Le Père donne le Fils, le Fils donne sa vie, par le partage de sa chair et son sang. Il nous donne l’esprit, qui fait vivre. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie, dit Jésus. Pierre reçoit ce don, ce cadeau du Père, en reconnaissant qu’elles sont paroles de la vie éternelle.
A notre tour, saurons-nous accueillir ce don ?
Nous aussi, nous pouvons entendre l’injonction de Josué: Choisis aujourd’hui qui tu veux servir. Nous pouvons entendre la question de Jésus: Veux-tu partir? Cet appel est adressé à chacun de nous: qui voulons-nous servir? et comment?
Jésus est Parole vivante en notre chair. Manger sa chair, boire son sang, c’est reconnaître cette intériorité réciproque: demeurer en lui et lui en nous. Recevoir l’infinité de son amour pour, à notre tour, partager cet amour avec nos frères. Servir Dieu en servant nos frères. La réponse de Pierre invente un chemin que nous pouvons prendre, nous aussi: rester, mais rester pour un autre départ, partir avec Jésus.
Alors, sommes-nous prêts à marcher à la suite de Jésus? Il nous faut choisir. Choisir pour le Seigneur, ce n’est jamais facile. La réponse nous viendra dans un dialogue confiant avec lui. Confiant dans l’esprit qui nous donne vie. Les mots que nous dit Jésus sont esprit et vie. Voilà une invitation à bâtir notre vie sur ses paroles. Ecoutons-le. Allons vers lui, car il a les paroles de la vie éternelle.