Lors du 4ème dimanche de l’Avent, Cécile Mignot, visiteuse au Centre de Rétention Administrative de Saint Jacques de la Lande a fait un témoignage de ce qu’elle vit, en lien avec le fil directeur des dimanches d’Avent sur l’église en sortie et le thème paroissial de cette année « Allez à ma vigne, vous aussi » (Mat 20, 4).

Témoignage de Cécile :

Il m’est bon de partager avec vous un peu de cette vie cachée au Centre de rétention (à St Jacques du côté de l’aéroport). Chaque mardi après-midi nous y allons, à deux (… !), avec sous le bras un carton de goûter préparé par le Secours Catholique ou l’entraide protestante ; Pourquoi donc ? Pour rejoindre les quelque 50 retenus qui ont été conduits là en vue d’un retour forcé dans leur pays ; actuellement la procédure peut durer 90 jours. Le lieu, dit Eugène , c’est un lieu d’enfermement, les barbelés, les portes sécurisées, le désœuvrement… avec son lot d’espoirs cassés, de tourments, de peurs pour demain, d’une vie cachée et en insécurité depuis qu’ils sont arrivés. Qui sont-ils ? surtout des hommes ; la CIMADE qui prépare leur dossier en vue de leur défense a obtenu que les femmes et les enfants soient ‘tenus à résidence’ ; des hommes jeunes souvent d’Afrique, d’Europe de l’Est, du Moyen Orient… ne parlant pas toujours la même langue et parfois les nerfs à vif dans ces journées avec pour seule possible un ballon et ces dernières semaines des matchs de foot qui rassemblent ! Parfois ils nous entrainent à une partie de baby foot. Ces frères de toutes langues vivent la pauvreté, certains semblent absents, hors du temps, d’autres sont heureux de notre présence. Mardi ils étaient gais, certains attentifs aux autres, écrit Evelyne ; un air fredonné et hop quelques pas de danses ‘comme au bled’ et le thé à la menthe presque comme à la maison !

Les seuls interlocuteurs quotidiens sont les policiers ; ils appliquent les directives ; cependant plusieurs nous font remarquer que cette mission est difficile à assurer… eux aussi ont besoin de parler ; ils ressentent notre présence comme apaisante pour les retenus.

Autour du ‘carton-goûter’ qu’ils explorent avec impatience et gourmandise, ils nous interrogent :

Qui êtes-vous, pourquoi venez-vous ? Nous sommes une vingtaine de différentes religions : protestant, orthodoxe, catholique, musulman qui, avec le Père d’Ornellas, avons obtenu du préfet de 2009 que les retenus aient un soutien pour vivre leur Foi. C’est donc un groupe inter-religieux ; la plupart des retenus sont de religion musulmane mais nous rencontrons aussi quelques chrétiens (orthodoxes venus des pays de l’Est, protestants venus d’Afrique et de très rares catholiques) ; certains aiment parler de ’leur Dieu‘ ; la venue de l’Imam est une joie pour eux ; ils prient ensemble. Ils aiment que l’on soit là rien que pour eux , nous interrogent sur notre vie… quelque chose se vit de l’inattendu de Dieu !

Notre équipe se réunit une fois par trimestre et nous nous écrivons un mail toutes les semaines après la rencontre pour exprimer ce qui s’est passé avec le groupe et en nous. 

En effet, ces rencontres nous modifient, nous bousculent, nous bouleversent et aussi nous font grandir en humanité, en fraternité, en considération pour ces hommes qui souvent gardent la détermination comme boussole de leur vie ; on ressent notre impuissance et l’injustice… mais aussi le sens qu’eux et nous trouvons dans ces visites. Jean-Pierre dit que certaines fois ces visites deviennent des Visitations : le cœur de chacun s’ouvre et s’ajuste. Nous nous parlons en vrai, ils nous accueillent si différents, on les écoute si impuissants. On ne sort pas pareil ! Fraternité.

Et leur visage demeure présence. A Saint Augustin au moment de la Prière Universelle, on nous invite à prier ‘pour les personnes en prison et celles qui sont privées de liberté‘ ; c’est un moment fort pour moi : je revois certains visages et rejoins leur force de vie au cœur de leur détresse. Alors j’entends en Isaïe, ce que Dieu dit aux siens : Tu as du prix à mes yeux, tu as du poids et moi je t’aime.

Et si nos visites et notre prière paroissiale hebdomadaires étaient l’expression aujourd’hui de cette Parole ?!