Première lecture : La Sagesse a été conçue avant l’apparition de la terre (Pr 8, 22-31)
Deuxième lecture : Vers Dieu par le Christ dans l’amour répandu par l’Esprit (Rm 5, 1-5)
Évangile : « Tout ce que possède le Père est à moi ; l’Esprit reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire connaître » (Jn 16, 12-15)

« L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 5)

Le texte que nous venons de lire se passe dans le contexte du dernier repas de Jésus avec ses disciples, au soir du Jeudi saint, après le lavement des pieds (Jn 13) : Jésus fait ses adieux et prépare ses disciples aux événements qui vont suivre. Il révèle le maximum de son mystère, mais il y a des choses qu’ils ne peuvent pas encore comprendre : « J’aurais encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous n’avez pas la force de les porter. Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière ».

Nous avons tous connu ce genre de situation où nous sommes face à un enfant qui ne peut pas encore comprendre ce qu’il se passe dans le monde des adultes ou bien que l’on souhaite préserver en ne lui disant pas encore toute la vérité.

L’histoire de l’humanité, comme toute histoire humaine, est celle d’un long cheminement. Comme nous, parents ou éducateurs, accompagnons ceux qui nous sont confiés dans leur éveil progressif, Dieu accompagne l’humanité dans sa longue marche. Tout au long de l’histoire biblique, Dieu s’est révélé progressivement à son peuple : ce n’est que peu à peu que le peuple élu a abandonné ses croyances spontanées pour découvrir toujours un peu mieux le vrai visage de Dieu, un visage pauvre, humble, serviteur. 

Maurice Zundel, ce prêtre et théologien mystique suisse, voyait dans la condition humaine une fragilité, une incapacité à saisir immédiatement la plénitude de Dieu. Mais pour lui, cette fragilité n’est pas un obstacle, mais une opportunité. Dieu respecte notre rythme, il ne force pas sa vérité sur nous. L’Esprit agit avec douceur, comme une lumière qui éclaire progressivement notre intériorité, nous préparant à accueillir la vérité divine au moment où nous sommes prêts.

Cette patience de Dieu est une marque de son amour. L’Esprit ne vient pas imposer, mais inviter, en respectant notre liberté. Il nous accompagne dans un cheminement où nous apprenons à nous dépouiller de nous-mêmes pour faire place à la présence divine.

Oui, la vérité dont parle Jésus dans ce passage n’est pas une connaissance abstraite ou intellectuelle, mais une expérience vivante de la présence de Dieu en nous. L’Esprit de vérité, selon lui, est celui qui nous introduit dans le mystère de la Trinité, où l’amour circule éternellement entre le Père, le Fils et l’Esprit. Zundel disait que l’Esprit nous conduit « dans la vérité tout entière » en nous faisant découvrir que Dieu n’est pas une réalité extérieure, mais une présence intérieure qui habite notre cœur.

C’est pourquoi il aimait dire « Je ne crois pas en Dieu, je le vis ».

Cette vérité se révèle dans le silence et l’écoute intérieure. Pour Zundel, l’homme est appelé à devenir un espace de rencontre avec Dieu, un « sanctuaire vivant ». L’Esprit de vérité, en nous guidant, nous aide à dépasser nos égoïsmes, nos peurs et nos limitations pour entrer dans une communion intime avec Dieu.

C’est la raison pour laquelle, quand on est chrétien, on ne peut pas être totalement en phase avec les discours antispécistes qui rejettent la place particulière de l’homme (et de la femme) dans la Création et prônent une égalité morale entre humains et animaux.

L’homme n’est pas « supérieur » aux animaux par un privilège arbitraire, mais il porte une responsabilité unique : celle d’être un « prêtre de la Création », c’est-à-dire de rendre grâce à Dieu au nom de toute la Création. Cette responsabilité implique un respect profond pour les animaux, car ils sont l’œuvre de Dieu et nous parlent de la beauté et de la sagesse de Dieu  (cf première lecture). Mais il n’y a pas une égalité ontologique (i.e. une égalité dans la nature fondamentale de l’être), car l’homme seul est appelé à une communion personnelle avec Dieu.

Ce que Guy Gilbert résumait très bien, et beaucoup plus simplement que Maurice Zundel, lorsqu’il commentait la parole sur Radio Notre Dame. Il commençait souvent l’émission “un prêtre vous écoute” en disant : “N’oubliez pas que le poisson nage, l’oiseau vole et l’homme prie”.

Alors, en ce temps de Pentecôte, prions pour que l’Esprit de Dieu vienne habiter nos cœurs afin que nous devenions peu à peu une icône du Dieu trois fois saint, communion d’amour éternelle qui veut que nous vivions de sa vie, une vie trinitaire qui est don de soi et accueil des autres.