Deutéronome 30, 14-16.19c.20
Psaume 70
Matthieu 25, 34-40
Mes amis, nous l’avons tous compris, Magda nous a donné une leçon d’humanité étonnante. Je veux dire par là non pas une leçon étonnante mais une leçon de l’humanité qui est toujours étonnante, qui est toujours superbe. Magda nous a appris à voir l’étonnante beauté de l’humanité. Elle fut aussi, me semble-t-il, une prophète qui voyait du fond d’elle-même,
« depuis la profondeur de mon être », monter des mots qu’elle mit par écrit, et ses mots étaient une ode à la vie. Précisément à la vie de cette humanité présente en chacun et en chacune.
« Choisis donc la vie ! » avons-nous entendu de la Bible d’Israël. Comment ne pas entendre ici la voix de Magda Lafon ! Elle n’a cessé de proposer ce choix aux jeunes et à tous ceux qu’elle rencontrait. Elle fut une éveilleuse de vie en tant et tant de personnes. Il est donc bien normal que chacun de nous et beaucoup d’autres désirent lui rendre hommage.
Parmi tous les mots qui se sont révélés en elle et qu’elle a mis par écrit pour nous, nous lisons celui-ci : « Chaque geste de délicatesse suscite la douceur d’un merci. » Combien de mercis s’expriment en apprenant que Magda avait quitté cette terre ! Car combien de gestes de délicatesse n’a-t-elle pas faits d’une manière ou d’une autre, pour l’un ou pour l’autre !
Chers enfants de Magda, votre mère, vous offrez à chacun la magnifique possibilité de lui exprimer un merci ou un hommage personnel. Soyez donc remerciés pour votre délicate attention envers celles et ceux – et ils sont nombreux – qui ont bénéficié d’un geste de délicatesse de la part de votre mère. Grâce à vous, chacun a la possibilité d’exprimer un merci, un hommage, un mot d’affection, un témoignage grâce au système informatique que vous avez mis en place. Merci à vous !
Chère Magda, le geste de délicatesse était tout autant dans votre regard, dans votre sourire, dans votre parole et dans votre manière d’être présente. Vous nous dites votre délicatesse quand vous confiez que « nous sommes là pour appeler l’autre à la vie, mais pas pour lui donner sens à sa vie ». Quelle délicatesse en vous ! En effet, vous ne voulez pas imposer un sens à la vie de quiconque.
Vous croyez de façon infiniment douce que chaque être humain est capable de trouver du sens à sa vie. Il faut simplement éveiller en lui « le goût de sa vie ». Et quand vous écrivez « le goût de sa vie », vous insistez en mettant en italique sa. Chère Magda, quel respect, quelle délicatesse dans ce respect pour la vie de chacun ! Vous avez simplement voulu éveiller au goût de la vie avec une confiance éperdue dans la vie de chacun car chacun peut trouver le sens qu’il veut donner à sa vie.
Écoutons encore Magda : « J’ai compris que la paix ne peut se construire que si chacun de nous trouve ou retrouve le goût de sa vie. » « La vie c’est un cadeau ; nous sommes tous des cadeaux
de la vie. » « On a peur de vivre quand on vit à l’extérieur de soi-même. » « Ayons foi dans la vie, c’est reconnaître la vie en soi ! »
Pour Magda, chaque vie est « unique », aucune n’est faite en série. Écoutons ce propos si simple mais si prophétique : « Au cœur de nous-mêmes, il y a une lumière. Vouloir être comme l’autre la ternit. » Donc, pas d’imitation dans la vie, mais un surgissement toujours unique de la vie chez celui qui découvre petit à petit qu’il a du goût pour sa vie.
Ainsi, Magda a fait sienne cette parole de la Torah : « Choisis donc la vie ! » Elle pourrait ainsi la traduire : choisis la vie qui est tienne et que tu as reçue ; découvre la beauté de ta vie ; sois attentif à la chercher au fond de toi ; ne sois pas inquiet de toi-même. « Choisis donc la vie ! »
Pour en arriver là, Magda, comme elle l’a confié, a vécu des « traversées ». Elle a éprouvé des peurs en elle-même, des angoisses qui l’ont assaillie, et surtout, me semble-t-il, le « vide » que j’ose dire absolu. « J’ai perdu le goût de la vie. » Et elle ajoute cette phrase : « Je suis devenue Peur. » Meurtrie en tout son être par l’épreuve effroyable des camps nazis, elle s’est battue pour survivre, pour « devenir quelqu’un », pour « paraître forte ».
Cependant, ajoute-t-elle, « ma mémoire était en hiver. Par un long travail intérieur, le dégel s’est fait doucement », et cela jusqu’au jour où elle fit une expérience nouvelle. Elle raconte cette bataille pour paraître vivre, pour dépasser toute peur, pour surmonter toute angoisse, pour les laisser derrière. Elle a « lutté » pour avoir une vie apparente jusqu’au jour, comme elle l’écrit elle-même, où elle expérimenta une nouveauté. Je la cite : « Pour la première fois, j’ai éprouvé de la compassion à mon égard. »
Voilà le tournant, me semble-t-il, qu’a vécu Magda. Devant toutes ses meurtrissures, devant toutes ses peurs, devant toutes ses angoisses, devant toutes ses vulnérabilités qui sont dues à l’infernale machine de mort des camps nazis, voici qu’elle reconnaît que son chemin ne consiste pas à se fuir dans une vie apparente, mais à exercer elle-même de la compassion pour elle- même. « J’ai consenti à les accueillir en moi, humblement », « à m’accueillir là où je suis ». Et c’est ainsi qu’elle vécut une renaissance, « en fidélité avec elle-même ».
Mais cette vie, sa vie, n’est pas venue d’elle-même à sa beauté et à sa bonté. Il y faut des rencontres sans lesquelles la vie reste enfouie en des vivants qui n’ont que l’apparence de vivre. Elle écrit : « Le mystère des rencontres existe ; il m’a soutenue par sa lumière et plusieurs fois rendu la vie. »
Ces rencontres ont existé dans l’enfer indicible d’Auschwitz et des autres camps d’extermination du régime nazi.
Je la cite : « J’entends encore la voix chaude d’une camarade qui était là depuis 5 ans et nous disait : « Ayez confiance dans la vie. Cultivons l’amitié entre nous. Rassemblons nos forces. Ne perdons pas courage. » Elle conclut : « Ces paroles venaient d’une sœur inconnue. Elles ont pris racine en moi et longtemps m’ont aidée à vivre aux moments d’épuisement. »
Parmi ces rencontres, comment ne pas évoquer cette femme que maintenant, dans son « enciellement », elle découvre au ciel avec joie dans une telle gratitude. Cette femme âgée et mourante dans le camp d’Auschwitz ouvre sa main pour lui donner quatre petits bouts de pain :
« Elle m’a dit : « Prends. Tu es jeune, tu dois vivre pour témoigner de ce qui se passe ici. Tu dois le dire pour que cela n’arrive plus jamais dans le monde. » J’ai pris ces petits bouts de pain, je les ai mangés devant elle. »
Magda ajoute, ce qui indique la qualité de cette jeune fille de 17-18 ans : « J’ai lu dans son regard à la fois la bonté et l’abandon. » Quel regard que celui de la jeune Magda : dans l’enfer effroyable de la noirceur d’Auschwitz, elle discerne la lumière de la bonté et de l’abandon dans le regard d’une vieille femme en train de mourir et ouvrant simplement sa main pour donner ces quatre petits bouts de pain.
30 ans plus tard, entendant une abominable négation de la réalité d’Auschwitz, c’est-à-dire de la Shoa, Magda se souvient : « La perversion de cette parole m’a révoltée et a fait remonter en moi la mémoire du geste de cette femme. J’ai revu son visage. Je ne pouvais plus me taire. »
C’est ainsi que Magda nous a tous appris la vigilance. Plus que cela, elle nous a appelés à la vigilance. Cette vigilance mérite beaucoup de finesse, beaucoup de douceur et, comme elle l’a vécu elle-même, beaucoup de compassion vis-à-vis de soi-même. Vigilance vis-à-vis de toutes ces parts de ténèbres qui sont encore en nous et qui peuvent faire du mal.
Oui, la vie de Magda, en appelant à la vie et à trouver le goût de sa vie, était une éveilleuse de la vigilance pour que nous trouvions sans cesse en nous la beauté, la bonté de la vie, tout en sachant qu’au fond de chacun, il y a encore quelque chose de méchant pour lequel il faut avoir de la compassion afin que cela disparaisse, de telle manière qu’il ne reste plus que la beauté de la vie, la bonté de la vie. De fait, Magda nous appelle à la vigilance pour que, chacun, nous soyons toujours du côté de la bonté et de la beauté de sa vie.
Bien sûr, Magda renvoie toujours à la « responsabilité » de chacun : « Il dépend de chacun de dire, de redire que la vie est sacrée et unique, que c’est la solidarité et la mémoire qui peuvent sauver l’humanité. » Mais il n’empêche qu’il est beau qu’il y ait des rencontres pour que ces rencontres éveillent au goût de la vie chez celui ou chez celle qui en a perdu le goût.
De façon étonnante, nous le savons, le fameux « concerto d’Auschwitz » qu’elle entend en ce lieu de mort, entre en son oreille déjà musicale pour aller en son cœur plein de finesse ; ce concerto lui découvre quelque chose de la beauté de la vie qu’exprime la musique. Elle écrit :
« Ce jour-là, j’ai juré de vouloir rester en vie. Pour dire aux hommes qui oublient de rester vigilants. » Vigilants pour voir la beauté, la bonté, la lumière de la vie. Vigilants pour que la méchanceté ne s’exerce « plus jamais ».
Magda a aussi fait une rencontre aussi imprévue qu’improbable alors qu’au lendemain de la guerre elle est conduite dans un lieu en Belgique pour y retrouver de quoi vivre. Là, elle est frappée par une femme dont elle observe le visage : il « était présence, accueil, compréhension », et elle ajoute « pudeur ». Oui, quel beau respect vivait cette femme vis-à-vis de Magda ! Elle confiera : « À travers le visage de cette femme, j’ai rencontré le visage de Dieu qui m’a appelée par mon nom. »
Cette femme, à cause des questionnements de Magda sur la croix qu’elle portait, lui donne un Évangile : « Je l’avais ouvert à une page au hasard et j’avais été touchée et émerveillée par la lecture de Matthieu 25 : « J’avais faim et tu m’as donné à manger. J’avais soif et tu m’as donné
à boire. J’étais nu et tu m’as vêtu. » J’ai lu et relu ce passage jusqu’à en être imprégnée. Ce soir- là, enfin, j’ai rencontré quelqu’un qui me comprenait. Sa présence vivifiante a rempli ma chambre, et j’ai ressenti l’envie de devenir une sœur pour Lui. »
Que pouvait bien exprimer pour Magda ce texte que nous avons entendu tout à l’heure ? Elle a vu tellement de gens qui avaient faim à en mourir, tellement de gens qui avaient soif à en perdre la vie. Elle a vu tellement de gens qui étaient nus, méprisés, traités comme moins que rien en étant mis nus. Voici qu’elle entend quelqu’un dire : « J’avais faim et tu m’as donné à manger. J’avais soif et tu m’as donné à boire. J’étais nu et tu m’as vêtu. »
Ainsi, elle a voulu connaître ce Jésus qui a prononcé ces paroles. Elle a reconnu en lui quelqu’un qui la comprenait. Elle se retrouve dans son identité : « En labourant mon passé et mes origines, je découvre un trésor de vie pleine de promesses et de renouveau. Mon identité juive n’est plus un obstacle, mais une racine vigoureuse dont monte la Sève. Plus je plonge dans mes sources, plus j’ai la certitude de toucher la vie, et je comprends mes frères qui allaient au crématoire en priant, dans l’espérance. »
Voilà que Magda fait l’expérience qu’au fond d’elle-même, elle touche à la vie, qu’il y a une
« Source ». Aussi elle comprend ses frères et sœurs qu’elle a vus partir définitivement. Elle comprit que dans ces frères et sœurs dont elle a entendu certains « implorer l’Éternel jusqu’à la dernière minute », qu’il y avait une source de vie plus puissante que la mort mortifère des nazis et que cette source était toujours là. Voici que Magda en a fait l’expérience, voici que Magda a compris que la vie était le plus beau trésor que l’être humain pouvait non pas posséder mais recevoir comme un « don » pour le vivre. Vivre sa vie !
Alors Magda a su le « sens » qu’elle a voulu donner à sa vie : « Restaurer la dignité de l’homme, là où son humanité a été humiliée, asservie, anéantie : tel est, à mon humble niveau, le sens que j’ai essayé de donner à ma vie. »
Une autre rencontre mérite évidemment d’être mentionnée ici. Elle a été déterminante pour Magda qui en a bien eu conscience : « Je sais avec certitude que l’amour créateur de mon époux, mon ami, m’a pacifiée parce qu’il a su croire en moi. […] Ces quelques pages sont nées d’un passé sombre que l’amour de mon mari, l’arrivée souhaitée, inespérée, exigeante de nos quatre enfants, les amitiés m’ont permis d’assumer. » Il me semble, sans avoir connu M. Lafon, que c’est la rencontre entre deux personnes qui se comprennent sur la beauté de la vie. Avec patience et confiance, vécues dans la délicatesse, la vie peut toujours surgir dans toute sa beauté.
Pacifiée, rendue à elle-même dans sa pleine identité, ayant goûté à la beauté de sa vie, Magda nous confie simplement ce qu’elle a appris : « La vie m’a appris à vivre chaque instant comme s’il était le dernier. Je me laisse recevoir par l’instant présent. Chaque présence m’offre un moment unique. Sa beauté m’apaise ; de là, j’attends ce que Tu ne dis pas. La joie de vivre, c’est le ciel sur la terre. » La joie, la joie de vivre, la joie de vivre l’instant présent où je me laisse recevoir !
Quelle joie dans cette arrière-grand-mère quand elle regarde, échange une rencontre avec sa dernière arrière-petite-fille Rebecca ! L’instant présent de cette rencontre fut un instant rempli, rempli d’amour, de vie et de joie. Mais aussi, quelques semaines avant qu’elle connaisse les ultimes faiblesses, voilà qu’elle va au golf avec les siens. Magda, de la hauteur de ses 96 ans, pousse la balle sur le green, qui va droit dans le trou. Joie de Magda en cet instant présent, joie de l’instant qui n’est jamais futile, joie de cet instant parce qu’il est plein de vie et d’amour.
Chaque instant est destiné à être rempli de la beauté de la vie. Alors on comprend que le grand message de Magda est simple : nous sommes tous évidemment des frères et des sœurs, destinés à la joie de l’instant reçu comme un cadeau et vécu ensemble. C’est que nous sommes tous habités par ce trésor de la vie reçu comme un don toujours plus grand que ce que nous en saisissons.
S’il y a ce trésor de la vie, goûté comme un magnifique cadeau, alors il y a toujours l’amour. Écoutons une dernière fois Magda : « L’amour est gratuité, léger comme un souffle, il transfigure le quotidien en un royaume où il fait bon vivre. »
Merci, Magda, de nous ouvrir par votre propre expérience la beauté de ce royaume où l’amour est gratuit et où chacun trouve avec joie qu’il y fait bon vivre.
Amen.
Vous pouvez aussi visualiser les photos prises pendant les obsèques de Magda, en cliquant sur ce lien >>
Je suis une personne handicapée physique de naissance, née le 15 novembre 1962.
Ordonné prêtre depuis juillet 1989, j’ai exercé mes ministères partagés entre ma mission en paroisse et auprès de plusieurs Mouvements et Services d’Église. De 2011 à 2020, j’ai vécu une première expérience à la paroisse St Augustin. Après un départ de trois ans vers sept missions, me voici nommé parmi vous, pour vous et avec vous, curé de la paroisse.
Ma vie de foi est soutenue par la source de Dieu à laquelle je puise dans la prière, la Parole de Dieu et l’eucharistie, et m’abreuve de la spiritualité de saint Charles de Foucauld. Les rencontres humaines sont également pour moi un lieu de « visitation » où je me laisse éclabousser par la présence de Jésus, en me « plongeant » dans son mystère pascal de vie, de mort et de Résurrection.
Je n’oublie pas de me mettre humblement à l’écoute du Souffle de Dieu, c’est lui qui fait l’unité de ma vie, qui m’appelle à la conversion et me titille, pour m’économiser et garder du temps pour moi.
« Je suis venu pour que les êtres humains aient la vie et qu’ils l’aient en abondance. »
Ce verset de Jean 10, 10 me booste, je suis un gourmet et même un passionné de vie.
Très attentionné à l’actualité de notre humanité, entre beauté et souffrance, je me définis comme un positif réaliste aimant les balades en pleine nature (accessibles, c’est mieux !), la lecture, la création artistique, la rencontre de l’autre différent de moi, l’humour, etc.
Albert Kousbe est né en 1978 à Nango au Burkina Faso.
De 1999 à 2006, il fait ses études au grand séminaire. Il est ordonné prêtre le 1er juillet 2006 à Ouahigouya.
Sa devise sacerdotale est « Avec Toi Marie« .
De 2006 à 2008, il est professeur-éducateur au petit séminaire de Ouahigouya.
De 2008 à 2014, il est directeur diocésain de l’enseignement catholique de Ouahigouya.
De 2014 à 2021, il est curé de la paroisse Sainte Bernadette Soubirous de Boussou/Ouahigouya.
En septembre 2021, il est nommé prêtre auxiliaire de la paroisse Saint Augustin.
Il aime beaucoup la lecture et aller au cinéma. Il aime également jouer au football et faire de la marche.
Paul Bosse-Platière (né en 1937) est diacre depuis 1982. Marié à Brigitte ; ils ont cinq enfants et onze petits-enfants. Ancien journaliste et notamment informateur religieux à Ouest-France. Il a assuré pendant plusieurs années un service d’accompagnement spirituel.
Vincent Hallaire est diacre. Délégué diocésain à la pastorale des migrants.
Vincent Mahé a été ordonné diacre permanent le 1er mars 2020. Marié depuis 1998 avec Noëlie, il a 4 enfants.
Il est investi auprès des Collectifs du 6, rue de l’Hôtel Dieu, qui assurent une présence et un soutien auprès des personnes en grande précarité ou dans l’isolement.
Il travaille dans les laboratoires de recherche et développement d’Orange. Il est particulièrement sensible aux différentes formes d’exclusion numérique.