ALEP – Mgr JEANBART
JE REVIENS PARMI VOUS
Lettre de S.E. Mgr. Jeanbart à ses fidèles d’Alep. Traduit de l’arabe
Bien chers fidèles et amis, me voilà de retour parmi vous, après une absence de presque deux mois, que j’ai passée dans l’administration de notre Eglise Melkite, charge qui m’a été assignée par le Saint Père, après son acceptation de la démission du Patriarche Grégoire III Laham. Parmi les tâches dont j’avais été chargé, il y avait celle de préparer le Synode pour le choix d’un nouveau Patriarche de notre chère Eglise, ce qui a été fait avec l’élection de S.E. Mgr. Joseph Absi, qui a choisi pour son Patriarcat le nom de « Yousef », puisse Dieu lui accorder une longue vie et le garder honorable, respecté, et en bonne santé de nombreuses années .
Maintenant que je suis de nouveau, heureux d’être parmi vous, rempli par la joie des retrouvailles, je me sens plein d’énergie et d’ardeur pour mener le combat décisif qui nous attend tous ; combat pour la reconstruction de ce qui a été démoli durant cette guerre vilaine et désastreuse qui a détruit nos maisons, épouvanté nos citoyens pour les éloigner et les disperser aux quatre coins du monde. Cette tragédie a été la cause du départ d’un grand nombre de nos compatriotes vers des contrées lointaines, loin de leur patrie bien-aimée et de leur si chère terre natale.
Notre pays nous est bien cher, c’est sur sa terre généreuse que nous avons grandi et vécu. Il nous a donné avec abondance, et nous lui devons beaucoup. Cette nation, éprouvée et avilie, nous attend aujourd’hui pour que nous lui rendions sa fierté , sa dignité et sa liberté par notre ténacité et notre dédication et pour lui redonner son charme, sa beauté et sa splendeur par notre application au travail bien fait et notre diligence ; la patrie est une mère, et la mère mérite tout l’amour et le dévouement possible.
Pour ma part, biens chers amis, je suis décidé aujourd’hui et plus que jamais, à m’appliquer et à agir pour redorer le blason de notre ancestrale et chère ville, Alep, perle de l’Orient et de l’Occident, berceau des civilisations et matrice des cultures. Je suis décidé aujourd’hui et plus que jamais, à me tenir aux côtés de nos jeunes pour reconstruire ce qui a été détruit et retrouver ce qui a été perdu. Nos ennemis ont saccagé et démoli Alep d’une manière ignominieuse et sauvage, nous la rebâtirons pour la réédifier avec fierté et dignité. Nous reconstruirons ses bâtiments et restaurerons ses institutions, nous éduquerons ses générations futures en leur assurant un savoir de qualité tout en guidant leurs pas sur les voies de la civilité et de la vertu. Notre but après cette guerre barbare, est la suppression de l’ignorance et l’éradication du fondamentalisme fanatique par tous les moyens possibles. Nous voulons donner à nos enfants le meilleur pour les habiliter à l’excellence dans tous les domaines. Nous voulons les meilleures écoles pour nos jeunes, de bons hôpitaux pour nos malades. Nous voulons des parcs pour nos enfants, des terrains de jeux pour nos adolescents, des résidences et des maisons confortables et convenables pour nos familles. Nous voulons une ville aussi belle qu’une oasis, une société harmonieuse et un pays accueillant où les citoyens de toute extraction pourront un jour, trouver la concorde, la sérénité et le bien-être. Nous voulons faire d’Alep, une ville rénovée et moderne, où il fait bon vivre, une cité attrayante et distinguée par sa propreté que le monde entier regarderait avec admiration et considération.
Cela est-il possible avec tout ce qui est arrivé? Oui ! Cela sera certainement possible, le jour où tous nous déciderons de prendre l’initiative, et de joindre nos efforts pour travailler ensemble, avec honnêteté, dévouement et loyauté. Cela sera possible, le jour où nous refuserons les faux discours pour prendre la rectitude et l’honnêteté comme principe et idéal dans notre labeur. Cela sera possible si nous acceptons de nous défaire du désespoir, de la nonchalance, et du laisser-aller. Cela sera possible, et nous l’avons vu s’accomplir en Europe, au Liban, et dans de nombreux autres pays malmenés par les guerres ; ils se sont tous relevés et se sont admirablement développés après tant de destructions et tant de malheurs que les affrontements belliqueux leur avaient infligés .
Beaucoup de signes nous permettent de dire que l’espoir est grand et que la réussite est possible, elle n’attend que notre décision résolue et notre détermination. Nous avons déjà dans le passé, prouvé que nous sommes des citoyens résolus et appliqués au travail ; nous avons bâti une patrie où il faisait bon vivre, et nous avons pu démontrer ces dernières années, que nous sommes aussi capables de faire face aux obstacles et d’affronter vaillamment les adversités. Nous avons pu tenir bon sur les champs de bataille grâce à l’ardeur de nos soldats, et nous avons résisté pour rester dans notre pays grâce à la bonté de nos frères en Occident et à la solidarité de nos concitoyens. Nous avons persévéré et continué à travailler d’une façon admirable dans nos institutions scolaires, médicales et sociales, malgré les dangers et les contrariétés et nous avons pu aussi récolter des résultats significatifs et satisfaisants, qui ont couronné nos efforts par la réussite et le succès.
J’ai été très heureux d’apprendre, pendant mon séjour au Liban, la réussite de nos institutions scolaires et la poursuite du travail dans nos différents services humanitaires ce qui m’a réjoui et rendu fier et optimiste en vue de l’avenir brillant qui nous attend prochainement, maintenant que la guerre semble être à ses derniers sursauts.
Il n’est pas à dédaigner que trois des élèves du Brevet de l’Ecole Amal aient obtenu cette année des notes exceptionnellement hautes et qu’ils aient été classés en tête de liste dans le pays tout entier, et que le Centre de Formation Professionnelle ait été capable de procurer du travail à un grand nombre de jeunes. Il n’est pas à dédaigner non plus de voir l’ampleur que notre Centre Médical Dimitrios a pu prendre, et le développement remarquable de l’Institut St. Basile. Leur essor a continué malgré les nombreux obstacles causés par la guerre. Tout cela ne démontre-t-il pas la décision et la ténacité de notre peuple plein de bravoure ? N’avons -nous pas eu vent des services que le mouvement de développement « Bâtir pour Rester » rend et continue à rendre à notre société ? tout cela ne nous porte-t-il pas à avoir plus d’espoir et de confiance dans l’avenir ? car si nous avons pu réaliser autant en période de guerre et d’insécurité, que ne nous est-il possible d’accomplir en temps de paix et de tranquillité ? Dieu est avec nous, allez donc de l’avant sans crainte, car l’avenir, bien chers frères, nous appartient.
Alep, le 2 Juillet 2017
+Youhanna JEANBART, Archevêque d’Alep