Première lecture : « Comme la jeune mariée fait la joie de son mari » (Is 62, 1-5)
Deuxième lecture : « L’unique et même Esprit distribue ses dons, comme il le veut, à chacun en particulier » (1 Co 12, 4-11)
Évangile : « Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C’était à Cana de Galilée » (Jn 2, 1-11)
C’est le premier miracle de Jésus dans l’Évangile de Jean…
Et c’est un miracle dont on ne perçoit peut-être plus l’audace et la pertinence. Les noces de Cana sont un épisode qu’on connaît tous, qu’on a tous entendu, dont on ne perçoit peut-être plus combien ce récit est singulier, bizarre… Un peu comme un pasteur prêchant dans une Église catholique ou un prêtre faisant de même dans un temple protestant…
Un récit singulier, surprenant qui ne se trouve d’ailleurs que dans l’Évangile de Jean.
Mais en quoi est-il si singulier et surprenant ?
Eh bien, pour son premier miracle, Jésus ne soigne pas quelqu’un, il ne sauve pas une personne de la mort, il ne le libère pas d’un démon.
Non, iI est à un mariage. Et si Jésus est à un mariage, on pourrait s’attendre à ce qu’il fasse la prédication, qu’il bénisse les mariés.
Mais non, Jésus n’effectue pas un geste sublimement spirituel de bénédiction, il transforme de l’eau en vin…
En plus il le fait alors que ce n’est pas vraiment nécessaire : une remarque de l’organisateur du mariage nous fait comprendre que les convives sont déjà un peu pompettes, et qu’ils n’ont pas besoin de ça…
Autre étrangeté, c’est comment se passe le miracle.
L’organisateur du mariage ne s’est même pas aperçu qu’il y avait un problème de vin. Le marié, ne comprend rien, d’ailleurs il ne dit rien. Ni l’un ni l’autre n’ont vu le miracle.
Les seuls qui ont remarqué sont les serviteurs et les disciples.
Je vous fais remarquer que c’est sans doute le seul miracle où le bénéficiaire – le marié – n’est au courant de rien.
Alors, on peut se demander pourquoi Jean était le seul à avoir évoqué ce miracle.
Je dois vous avouer que je n’avais pas trouvé d’explication dans les commentaires que j’ai lu. Alors, j’ai essayé de réfléchir sur les éléments, dans la situation et la théologie de la communauté de Jean, qui pourraient expliquer pourquoi l’évangile auquel elle est attachée commence par ce miracle si singulier.
La symbolique présente dans le miracle est assez forte et assez représentative de la théologie de Jean si bien qu’on parle plutôt de « signes » que de miracle.
Ainsi, il me semble qu’il y a dans ce texte le thème du passage de relais : On voit une mère d’abord qui fait une remarque à son fils sur ce qu’il devrait faire.
Comme si elle avait encore de l’autorité sur ce dernier.
Mais elle se fait rabrouer. Puis elle dit aux disciples : « Faites ce qu’il vous dira ». Comme s’il fallait le préciser, comme si avant, c’était à elle qu’ils obéissaient. Un commentateur a écrit qu’avec cet épisode, la mère de Jésus est devenue la mère du Christ. Et bien sûr, ce n’est plus le même des deux qui a l’autorité.
Vous remarquerez qu’il y a dans ma remarque un regard très protestant sur le personnage et le rôle de Marie. Sur le personnage, nous sommes bien d’accord qu’elle a une place très importante pour comprendre le statut de Jésus, à la fois « vrai homme » et « vrai Dieu », « vrai Dieu » et « vrai homme ». Mais dans notre récit, son rôle semble s’effacer pour laisser toute la place à Jésus. A Jésus, seul.
Ce passage de relais en introduit un autre : Un mariage, c’est le démarrage d’une nouvelle vie pour les époux, comme la nouvelle vie que connaissent les croyants en Christ, comme la vie ressuscitée de Jésus.
Le mariage, c’est l’alliance entre deux personnes, entre deux familles. Par le vin, par le sang, une nouvelle alliance est passée entre Dieu et les hommes. En Jésus Christ, elle prend la suite de la première alliance symbolisée par les vases de pierre, destinés aux purifications des Juifs.
Là, on est en plein dans la théologie de Jean, et pas forcément d’ailleurs ce qu’on y aime le plus : Les partisans de Jean sont assez différents des communautés dans lesquels ont été écrits les autres évangiles de Marc, Matthieu et Luc, d’ailleurs les textes sont très différents.
Marc, Matthieu, Luc sont encore dans le judaïsme. Ils ont vécu à une période, autour des années 50 à 70, où les chrétiens ne se considéraient pas encore comme séparés mais comme une tendance de ce judaïsme.
Par contre, les partisans de Jean, eux, arrivent plus tard…
En 70, une révolte des juifs a lieu. Et lors de cette révolte, les chrétiens ont refusé de combattre contre les romains.
Résultat, ils ont été expulsés de la synagogue, ils ont dû quitter Jérusalem.
Ils se réfugient dans la Syrie actuelle mais ils sont un culte illégal, caché.
Eh bien, la communauté de Jean, ce sont leurs descendants. Non seulement, ils ne se considèrent plus comme étant dans le judaïsme, mais ont franchement une dent contre les juifs. Ce contexte explique la totalité parfois violemment anti-juive que prend l’évangile de Jean.
Ils pensent que l’ancienne alliance qu’avait passé Dieu avec les juifs n’a plus lieu d’être et qu’ils sont eux, la vraie alliance qui en a pris la suite.
On peut donc lire ainsi l’image du mariage : une nouvelle alliance est née. Les vases pour les ablutions – ces symboles du juidaïsme avec ses règles sur le pur, l’impur, la purification, les rituel – ne servent plus à rien… A rien sinon à contenir de l’eau pour faire du vin, et c’est dans ce vin, symbole du sang du Christ, que se passe la nouvelle alliance.
Vous saisissez la puissance polémique qu’il peut y avoir là avec les gens du temple, le judaïsme. Vous l’avez compris, ils rejettent les juifs, qui ne les aiment pas beaucoup non plus. Culte illégal, répression du pouvoir romain : ils doivent donc être discrets…
La communauté de Jean va donc avoir tendance à se cacher, à fonctionner comme un culte où l’on doit oser pour exister. Ne pas se faire remarquer par les maîtres du pouvoir, les autorités… Par son histoire, le protestantisme, en particulier en France, en sait quelque chose…
Alors, la communauté va fonctionner comme Jésus dans le miracle, comme toutes les communautés minoritaires comme le christianisme de notre société contemporaine.
Jésus dit : mon heure n’est pas venue. Car il sait que dès que ce sera révélé, il va lui arriver les pires ennuis. Comme les pires ennuies sont arrivés et arrivent à la communauté de Jean. Son secret, celui de son miracle, il ne dit pas à l’organisateur du mariage, pas au marié, pas à ceux qui sont au centre de la scène. Comme la communauté de Jean ne le dit pas aux maîtres, aux autorités aux prêtres. Son secret, son miracle, Jésus ne le dit qu’aux disciples, qui sont déjà dans le cercle des proches, ceux qui sont déjà dans la communauté ; il ne le dit qu’aux serviteurs.
Il y a comme un effet de miroir entre ce miracle et ce que vit la communauté johannique. Voilà peut-être pourquoi il se trouve dans l’évangile de Jean, pourquoi c’est le miracle qui ouvre cet évangile. C’est comme une proclamation par la communauté de Jean sur sa façon de croire en Jésus dans la situation qu’elle vit.
Et elle nous offre un Jésus qui parle à notre façon de vivre les choses dans notre situation d’aujourd’hui, comme protestant, minorité depuis toujours, mais aussi comme catholiques romains, comme le christianisme en général.
Jésus laisse de côté les vases pour la purification, les rituels, l’institutionnel, le « cadré » de l’église. Pas question de faire les choses de manière conquérante, triomphante, de construire des clochers, des minarets, de faire dans le visible et l’affirmatif… Pas question d’imposer quoi que ce soit…
Il agit discrètement, comme nous pouvons agir discrètement avec nos petites assemblées, nos groupes bibliques ou théologique, nos actions sociales modestes, sans le claironner partout qu’elles sont faites au nom de Jésus Christ.
Nous pouvons le faire même de personne à personne.
Je pense particulièrement aux jeunes et naturellement aux scouts ici présents. L’Évangile de Jésus-Christ a besoin des Églises pour réfléchir, débattre, méditer et prier ensemble car il s’adresse d’abord à notre intelligence et nous avons à partager pour que, chacun de nous est la liberté et la conscience du chemin sur lequel il s’engage. Mais nous pouvons, par nos actes, nos paroles, notre présence, dans nos rencontre « en tête à tête » et parfois en toute discrétion, donner tout le sens à l’Évangile. « Vous êtes le sel de la terre » : nous sommes le sel de la terre.
Dans ce texte, Jésus invite à goûter une nouvelle alliance, à la goûter, à la faire goûter, à l’expérimenter avant de l’annoncer. Comme les cruches de vin se passent de main en main au cours d’un repas de fête, le message de Jésus à l’époque de Jean comme aujourd’hui se passe de proche en proche, comme une expérience qu’on vit, qu’on invite à vivre, qu’on invite à expérimenter soi-même. Une action discrète que nous pouvons tous avoir aussi autour de nous, dans notre travail, avec nos proches. D’une manière aussi discrète que Jésus quand il fait son miracle.
Je crois que c’est aussi de cette façon que Jésus continue à agir aujourd’hui dans nos vies personnelles.
Quand nous croyons qu’il n’y a plus de vin, qu’il n’y a plus d’énergie dans nos vies, que la fête risque de se terminer, ou que cela devient difficile, Jésus est là. Nous ne le saurons peut-être pas, mais discrètement, incognito, il va agir, il ne va pas nous laisser tomber. Ce n’est pas parce qu’on ne le voit pas qu’il n’agit pas. Il est sans doute en train déjà, dans son coin, en train de changer de l’eau en vin. De changer ce qui ne va pas en vie. Et comme le vin devient abondant, la vie va devenir abondante grâce à Jésus.
Chrétiens, catholiques ou protestants, ou encore d’autres confessions, c’est, je crois, le défis qui est devant nous. L’Évangile de Jean témoigne de la vie abondante en Christ, encore un thème d’espérance. Nos communautés ne sont pas des lieux de replis, cocons confortables face à un monde que l’on juge mauvais et « pêcheur » mais surtout qui nous fait peur. Ce monde que Dieu a tant aimé… et qu’il garde dans sa miséricorde.
Jésus est celui qui fait de notre vie une fête aussi belle et émouvante qu’un mariage, celui qui nous aide à nous réjouir, qui non seulement se réjouit que nous nous réjouissions, mais transforme de l’eau en vin pour que nous soyons heureux et pour que tous, tous, puissent en être au bénéfice.
Et qui le fait discrètement… mais surement.
Amen.
Je suis une personne handicapée physique de naissance, née le 15 novembre 1962.
Ordonné prêtre depuis juillet 1989, j’ai exercé mes ministères partagés entre ma mission en paroisse et auprès de plusieurs Mouvements et Services d’Église. De 2011 à 2020, j’ai vécu une première expérience à la paroisse St Augustin. Après un départ de trois ans vers sept missions, me voici nommé parmi vous, pour vous et avec vous, curé de la paroisse.
Ma vie de foi est soutenue par la source de Dieu à laquelle je puise dans la prière, la Parole de Dieu et l’eucharistie, et m’abreuve de la spiritualité de saint Charles de Foucauld. Les rencontres humaines sont également pour moi un lieu de « visitation » où je me laisse éclabousser par la présence de Jésus, en me « plongeant » dans son mystère pascal de vie, de mort et de Résurrection.
Je n’oublie pas de me mettre humblement à l’écoute du Souffle de Dieu, c’est lui qui fait l’unité de ma vie, qui m’appelle à la conversion et me titille, pour m’économiser et garder du temps pour moi.
« Je suis venu pour que les êtres humains aient la vie et qu’ils l’aient en abondance. »
Ce verset de Jean 10, 10 me booste, je suis un gourmet et même un passionné de vie.
Très attentionné à l’actualité de notre humanité, entre beauté et souffrance, je me définis comme un positif réaliste aimant les balades en pleine nature (accessibles, c’est mieux !), la lecture, la création artistique, la rencontre de l’autre différent de moi, l’humour, etc.
Albert Kousbe est né en 1978 à Nango au Burkina Faso.
De 1999 à 2006, il fait ses études au grand séminaire. Il est ordonné prêtre le 1er juillet 2006 à Ouahigouya.
Sa devise sacerdotale est « Avec Toi Marie« .
De 2006 à 2008, il est professeur-éducateur au petit séminaire de Ouahigouya.
De 2008 à 2014, il est directeur diocésain de l’enseignement catholique de Ouahigouya.
De 2014 à 2021, il est curé de la paroisse Sainte Bernadette Soubirous de Boussou/Ouahigouya.
En septembre 2021, il est nommé prêtre auxiliaire de la paroisse Saint Augustin.
Il aime beaucoup la lecture et aller au cinéma. Il aime également jouer au football et faire de la marche.
Paul Bosse-Platière (né en 1937) est diacre depuis 1982. Marié à Brigitte ; ils ont cinq enfants et onze petits-enfants. Ancien journaliste et notamment informateur religieux à Ouest-France. Il a assuré pendant plusieurs années un service d’accompagnement spirituel.
Vincent Hallaire est diacre. Délégué diocésain à la pastorale des migrants.
Vincent Mahé a été ordonné diacre permanent le 1er mars 2020. Marié depuis 1998 avec Noëlie, il a 4 enfants.
Il est investi auprès des Collectifs du 6, rue de l’Hôtel Dieu, qui assurent une présence et un soutien auprès des personnes en grande précarité ou dans l’isolement.
Il travaille dans les laboratoires de recherche et développement d’Orange. Il est particulièrement sensible aux différentes formes d’exclusion numérique.