Willy Anthoons
Un imagier précoce
Descendant d’une lignée de sculpteurs-ébénistes,Willy Anthoons naît le 25 mars 1911 à Malines, ville où la tradition du bois est vivace. Quand éclate la Première Guerre mondiale, alors que son père, comme d’autres soldats belges, est interné aux Pays-Bas, sa mère l’emmène en Angleterre. Pendant son exil forcé, l’enfant commence sa scolarité dans les écoles londoniennes. Un don d’observation précoce lui permet de façonner avec de la terre à modeler la frimousse de ses petits camarades d’école anglais. Peut-être faut-il voir dans ses petites figures en glaise étonnamment reconnaissables son intérêt futur pour le portrait.
À la fin du conflit, la famille réunie s’installe à Laeken (Bruxelles).
Timide de nature, le petit garçon se replie sur lui-même. Sa vocation artistique se précise toutefois sur les bancs de l’école: il modèle sans difficulté la tête de ses professeurs, de personnalités connues et même du roi. Dès l’âge de douze ans, ses parents l’inscrivent aux cours du soir de l’École Saint-Luc. Son apprentissage du dessin (copié et d’après nature) est complété par une formation plus systématique à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles. Il y pratique assidûment le dessin et le modelage. En témoignent des têtes d’enfants et des pigeons boulants qu’il va même mentionner sur la page initiale de son registre. La parenthèse du service militaire (1931-1932) est mise à profit pour affiner son art du portrait. Ses supérieurs, qui ont pu lire dans son dossier qu’il exerce la profession de « sculpteur », se montrent conciliants à son égard en échange de … leur buste en terre.
À son retour à la vie civile, Anthoons s’inscrit pendant une année à l’Institut Supérieur des Arts Décoratifs (La Cambre). Il y suit l’enseignement d’Oscar Jespers pour perfectionner sa pratique du modelage et pour se familiariser avec le travail du bois et de la pierre. Anthoons retiendra les leçons du maître: respect du bloc primitif, mise en place architectonique des masses, amour du dessin pour affiner une forme ou sonder la personnalité du modèle. Sa production à ce moment reflète la sage pratique d’un jeune homme à la recherche de sa propre identité qu’il sélectionne pour sa première exposition de groupe, en 1934 au Cercle artistique de Tournai, témoignent d’un naturalisme serein, teinté d’académisme. Cette année-là, il décroche un emploi de dessinateur architecte à l’Administration communale de Bruxelles après une courte formation de géomètre qui lui a permis de s’initier au dessin d’architecture. Il pratique alors la sculpture pendant ses moments de liberté.
1968 – Willy Anthoons reçoit des commandes pour des églises rennaises.
Ces interventions de l’artiste sont justifiées par les directives du Concile Vatican II. La Constitution liturgique votée par ce Concile demande que soit facilitée la « participation active » des fidèles aux cérémonies liturgiques. Dès lors, différentes églises apportent des modifications à leur aménagement intérieur. Désormais, l’ensemble du chœur est exhaussé, l’autel majeur est séparé du mur et pourvu d’un large emmarchement pour qu’on puisse en faire le tour et y célébrer les offices face aux fidèles. L’ambon est disposé de telle façon que le prêtre puisse être bien vu et entendu des fidèles.
Anthoons signe une intervention à Rennes, dans la zone de l’université. Après 1945, la naissance de nouveaux quartiers a nécessité la création de lieux de culte. Saint-Augustin fait partie de ces nouveaux édifices. Invité à repenser l’agencement intérieur de l’église, l’artiste modifie le chœur comme à Saint-Martin, lui adjoignant une cuve baptismale en pierre blanche. L’autel, qu’il livre en 1968, est taillé dans le même matériau. Il y place le tabernacle de façon à ce qu’il soit très visible dès qu’on entre dans l’église. L’ensemble se complète d’un crucifix en bronze, d’un ambon, d’un chandelier en fer forgé et d’un chemin de croix très simple. La croix de consécration du chevet rappelle, par sa vivacité, celle de Saint-Melaine. L’artiste produit les vitraux de la partie supérieure de l’église avec un net parti pris graphique: celui de rythmer les verrières blanches par des plombs aux reflets irisés. Anthoons intervient également à l’extérieur en dessinant le clocher en béton, d’une hauteur de 20 mètres. Pour l’oratoire de l’église, il réalise une Vierge en bois doussié qui reprend le motif de sa sculpture Bonne graine de 1962: une série d’incisions qui rappellent subtilement le drapé des madones romanes. La silhouette de Marie semble entourée d’un halo lumineux obtenu par une série de coups de gouge.
On le voit, certaines réalisations rennaises de Willy Anthoons dépassent de loin le cadre strict de la sculpture. Dans certains cas, même si ses idées ne sont pas toujours suivies, il s’agit d’une réflexion globale sur un espace déterminé, la zone du chœur.
Extrait de Willy Anthoons, l’Esprit et la matière de Marcel Daloze , édité par la Galerie Philippe Samuel
pages 9,11,63,65