Dimanche des Rameaux
« Je sais que je ne serai pas confondu » (Is 50, 7)
Chers amis,
Que la paix du Christ, Sauveur de l’humanité et du monde, soit toujours avec vous !
Cela fait trois semaines que, de différentes façons et surtout par le confinement, nous amenons ce combat contre l’« ennemi invisible ». On dirait, comme disait un ami, que « même les oiseaux se doutent de quelque chose. » Comment se fait-il que ce virus qui a fait disparaître aujourd’hui plus de 50 mille hommes et femmes à travers le monde, a aussi paralysé plus des trois quarts de la planète ? Un drôle de mystère ! qui suscite une recherche intérieure, bien plus que la fameuse quête du Graal. Mais de quoi avons-nous peur ? Surement, de l’« ennemi invisible ». Mais cet ennemi, qui est relativement invisible, c’est-à-dire seulement à l’œil nu, et qui pourra se montrer sous les « yeux » du microscope, n’est-il pas indicateur, en quelque sorte, de l’ennemi qui est absolument invisible par sa nature spirituelle ? « Tout est lié ! » disait une femme de bonne foi. Que le Christ qui a battu sur la croix l’ennemi invisible de l’humanité continue à nous rendre fort jusqu’au bout de cette traversée !
Une « traversée » ? On peut commencer à vivre le mystère du temps présent en comprenant notre existence terrestre comme une traversée. Cela renvoie à l’expérience de voyage, de cheminement, mais surtout celle des saints hommes et femmes de l’histoire. Saint Augustin voit l’existence terrestre comme un « temps de pèlerinage » et Dieu, de qui tout vient, comme notre « Patrie ». La traversée est souvent dure, une telle « vallée de larmes », mais les témoignages des saints qui, par leur grande foi, ont fait preuve de l’amour de l’Invisible, nous montrent que la traversée n’est pas vide, que nous sommes accompagnés jusqu’au bout, et que ce bout nous attend avec une joie inattendue. La prophétie d’Isaïe le rappelle au sujet du Christ : « Le Seigneur mon Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages…je sais que je ne serai pas confondu » (Is 50, 7). L’amour ne déçoit jamais ! Et si Dieu est amour (1 Jn 4, 8) et que nous l’aimons, nous pouvons garder le courage, rentrer la tête dans les épaules en laissant passer la tempête (comme Elie), et rester fermes et tenaces : « j’ai rendu ma face dure comme pierre » (Is 50, 7). Parce que nous sommes convaincus, par le seul amour de Dieu, qu’en fin, nous ne serons pas confondus.
Oui ! Nous ne serons pas confondus. La prière d’ouverture d’hier dit pourquoi, en donnant une raison qui tombe juste dans le temps que nous traversons et qui nous traverse : « Car Seigneur, tu es toujours à l’œuvre pour sauver les hommes, mais en ce temps de Carême, tu offres plus largement ta grâce à ton peuple… » Peut-on penser que ce temps de Carême exceptionnel, parmi l’épidémie dans laquelle l’humanité, tant sinistrée, est mise en « arrêt maladie » avec les effets secondaires dans tous les domaines, pourrait être un temps de grâce ? La beauté, on dit, dépend des yeux de celui qui regarde. C’est là que nous commençons à apprécier le sens de notre foi : la seule réalité qui peut rendre possible l’impossible et nous conduire, au-delà des yeux ordinaires du monde, à la beauté intérieure de tout évènement, y compris le plus laid. La seule réalité qui peut percer les ténèbres les plus épaisses, pour percevoir la lueur qui jaillit au fond de l’ombre : « Heureux les hommes dont la force est en toi, qui gardent au cœur les montées. Quand ils traversent la vallée de sécheresse, ils le transforment en une fontaine, surcroît de bénédiction, la pluie d’automne les enveloppe » (Ps 84, 6-7).
C’est là que l’on commence à comprendre le sens de l’anéantissement de Dieu Lui-même : « il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur…il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. » Dès lors, toute souffrance humaine étant un moment d’association mystérieuse à la croix du Christ, devient un temps de grâce, un kairos, librement offert par la seule Divinité qui conduit l’histoire et dirige les affaires humaines malgré eux. Nous sentons-nous donc « victimes » aujourd’hui ? Le Christ en était bien avant nous et nous en donne ainsi le pouvoir de victoire. Dès lors, ce n’est que dans la chair de Celui qui, le premier, s’est fait victime sur la Croix du Golgotha, accomplissant ainsi de manière parfaite et définitive le salut de l’humanité, que les hommes d’aujourd’hui peuvent comprendre leur expérience et en découvrir le « pourquoi » qui peut éclairer le sens de leur histoire, dans son déroulement parfois dramatique. L’image de la traversée de la baie du Mont St. Michel nous rappelle peut-être quelque chose : il y a, pendant le voyage, l’inquiétude de l’incertain (quant au caprice du temps et au changement possible de la marée), mais après vient la joie intérieure d’avoir accompli la traversée. Une image bête certes ! mais elle pourra nous aider à regarder l’expérience présente de l’humanité comme « chemin de grâce » qui, dans son caractère de mystère, ne s’est pas encore tout à fait dévoilé.
C’est bien ce que veut dire l’entrée triomphale du Christ à Jérusalem. C’est le « mystère d’une traversée », celui du chemin de gloire qui démarre avec humiliation, d’une libération achetée au prix d’un confinement, d’une royauté marquée par la pauvreté. Quel est le sens de l’ânesse sur laquelle il va rouler ? Pourquoi une ânesse ? Pourquoi en a-t-il besoin ? (Mt 21, 3) Pour l’apparat d’un roi ? Sûrement pas ! les apparats et les fanfares royaux se faisaient aux chevaux et aux orchestres les plus majestueux. Pour commander en maître ? Bien sûr que non ! son tapis rouge n’était-il pas plutôt des branches et des manteaux de gens simples ? Étonnamment, les mêmes gens qui crient « Hosanna au Fils de David ! » (Mt 21, 9), seulement quelques jours plus tard, crieront tout le contraire : « Crucifiez-le ! » (Mt 27, 22-23) On lui mettra, à la place d’une vraie couronne, celle faite d’épines. La croix chargée sur ses épaules sera son signe de pouvoir, pour accomplir la prophétie d’Isaïe : « le pouvoir sera sur son épaule » (Is 9, 6). Alors que, depuis toujours, le signe de pouvoir était sur la tête : la couronne. Mais son pouvoir, comme les disciples le comprendront seulement plus tard, n’était pas temporel, mais éternel, et consiste dans le soutien de ceux qui sont épuisés (Is 50, 4). Ce n’est donc pas pour commander en maître qu’il avait besoin d’un âne. L’âne, signe d’abaissement et d’humilité, est pour dire que la gloire et le bonheur, la joie de bien vivre et de mieux vivre, passent par la traversée mystérieuse du « renoncement de soi ». Autrement dit, ce Carême spécial d’aujourd’hui conduira un jour à la Paque et à la Résurrection inouïe de l’humanité. Nous ne serons pas confondus !
Nouvelles du presbytère
Moi et Roland-Paul, nous sommes toujours confinés comme les autres. Nous allons bien, par la grâce du Christ. En dehors des temps passés à rester en lien avec des personnes isolées et des amis, à célébrer les messes tous les jours pour vous, à rédiger ces réflexions pour accompagner ce temps, et à faire suivre aux paroissiens les nouvelles du diocèse, je passe le temps aussi pour avancer ma thèse. Roland-Paul, lui aussi, travaille assidument ses devoirs et ses cours. Nous ne sortons que très rarement, pour faire des courses. Oui, les prêtres mangent aussi et ne vivent pas seulement d’eau bénite (rires).
Nous pensons à d’innombrables personnes disparues (dont nous offrirons une messe spéciale de commémoration à la fin du confinement), aux familles endeuillées, à tous ceux et celles qui se donnent à fond, dans tous les domaines, pour soulager la souffrance des autres. Nous prions aussi pour la sortie bientôt de la crise.
Pour désaltérer votre soif ardente pour notre « famille en église », veuillez trouver, ci-dessous, quelques photos de notre église bien fleurie, toujours prête à vous accueillir quand tout ira mieux. Veuillez trouver aussi en pièce jointes les documents que j’ai transmis mardi dernier, concernant les propositions du diocèse, en lien avec le Service national de la liturgie et des sacrements, pour les célébrations de la semaine sainte à vivre en famille. Voilà chers amis !
Que Dieu continue à vous rendre forts et vous donner raison d’être heureux même dans cette traversée mystérieuse ! Bon dimanche des Rameaux !! et bonne semaine sainte !!! Bien fraternellement dans le Christ Jésus,
Dominic +
NB :
- Les célébrations pascales seront assurées par les prêtres en privée ou en toute discrétion, l’église fermée.
- Le Baptême des catéchumènes aura lieu lors de la Vigile de la Pentecôte, le 30 mai au soir.
- Tous les jours, à 15h, messe célébrée par Dominic pour les paroissiens. Vous pouvez vous y joindre spirituellement. Les prêtres vous portent dans leurs messes privées.
- Il vous est possible d’envoyer, pendant ce temps, vos intentions de messe. Rendez-vous ici : https://st-augustin-rennes.fr/deposer-une-intention-de-messe/
- Messe en direct par Mgr Alexandre Joly : tous les dimanches, à 11h, sur Youtube.
- Sinon messe à 11h sur France 2 au Jour du Seigneur, à 18h30 sur KTO, et à 10h (à la radio) sur France Culture.
- Le Pape François célèbre la Messe tous les jours de semaine à 7h et cette Messe est diffusée par KTO. De même, le chapelet de Lourdes est diffusé par RCF à 15h30 tous les jours.