Témoignage de Nicole Seignard
Comment il m’a été donné de vivre le temps du confinement ?
Ce temps de confinement n‘a été, pour moi, qu’une radicalisation de ce que j’ai été appelée à vivre, depuis un an, après l’accident de santé où mon âge m’a rattrapée.
J’ai été conduite à abandonner presque toute activité durant plusieurs mois pour m’appliquer à revivre…donc à renoncer à tous mes engagements paroissiaux… et même à la messe quotidienne.
Seule m’a été laissée la « vocation » à la prière : méditation et oraison mentale,
« vocation ancienne », une soixantaine d’années … et même plus.
Confirmée par un appel de la prieure du carmel à re-fonder une communauté carmélitaine laïque, il y a presque 30 ans.
Dans la paroisse aussi, depuis longtemps, j’ai participé à la vie du groupe de prière silencieuse…
…un silence facilité ces derniers temps, par le confinement…
Silence…. et solitude
« priez sans cesse » écrit St Paul aux destinataires de ses épîtres … « méditez nuit et jour la loi du Seigneur et veillez dans la prière » dit la Règle primitive du Carmel dont la devise reprend la parole du prophète Elie, au 1er livre des Rois : « Il est vivant (Il est la Vie), le Seigneur devant qui je me tiens. »
Les longues heures de ces dernières semaines m’ont donné l’occasion de vivre, avec une plus grande fidélité ( !) cette « mission d’Eglise »
« Veiller dans la prière », « Te connaître et me connaître », comme l’écrit Saint Augustin, c’est une rude tâche dont on ne sort pas (si on en sort !) indemne ; il y a des jours « sans »
Mais c’est cela qui m’a été donné pendant ces semaines.
Parmi les textes médités, j’ai été très retenue par celui, écrit avant son assassinat en Algérie en 1995, par une petite sœur de Charles de Foucauld. Il fait écho à une poésie de la « petite » Thérèse (de Lisieux). Le voici :
« Vis le jour d’aujourd’hui
Dieu te le donne, il est à toi.
Le jour de demain est à Dieu
Il ne t’appartient pas.
Ne porte pas sur demain le souci d’aujourd’hui
Demain est à Dieu. Rends-le Lui.
Le moment présent est une frêle passerelle
Si tu le charges des regrets d’hier,
De l’inquiétude de demain
La passerelle cède et tu perds pied.
Le passé, Dieu le pardonne
L’avenir, Dieu le donne
Vis le jour d’aujourd’hui
En communion avec Lui
Et s’il y a lieu de t’inquiéter pour un être aimé
Regarde-le dans la lumière du Ressuscité »
J’ai beaucoup été aidée à vivre cela grâce à la « présence » quotidienne (physique, téléphonique et vidéo) de mes enfants, de certains petits enfants… aussi l’amitié fidèle manifestée( vive Internet) .. et, bien sûr, par la prière paroissiale du dimanche soir quelle merveilleuse chance, cette rencontre téléphonique : je n’ai jamais autant goûté cette parole d’un père du désert: « séparé de tous…mais uni à tous »
Puis-je ajouter que ce confinement a été occasion de savourer des gestes de voisins : une part de gâteau déposée plusieurs fois à ma porte … un bouquet de fleurs cueillies au jardin… et que dire des heures au jardin de mes enfants, à portée de marche, sous la pluie des fleurs de cerisier, dans le parfum des lilas et l’écoute d’un rouge gorge qui chantait sans fin la belle saison tôt venue ?