Témoignage de Madeleine Nazarenko
CONFINEMENT – DE-CONFINEMENT
19 mars – le temps de passer à la gare pour remboursement de billets TGV sans utilité. Une queue de période de pénurie …
Je rentre à la maison. Le confinement je crois savoir ce que c’est . Je rameute les mots : les citrons peuvent être confits, des fruits variés et exotiques aussi, Il y a aussi les confits en sainteté, en dévotion. Là je n’y suis pas, même avec quelques semaines devant moi.
Mais à cette heure du 9 mars, à 11 heures du matin, heure zéro du confinement on n’en a pas fait le tour. Je rentre à la maison, le confinement a à voir avec l’intérieur, la maison : on y est… on n’en bouge pas… c’est la règle.
Je ferme ma porte et je décide de faire d’abord le tour, la découverte de mon espace de confinement ; pièce par pièce : des murs blancs, des rangées de bouquins Il y a de quoi faire dans l’attente d’être bien confits. Mes espaces sont vastes, pleins de lumière, de soleil même aujourd’hui. J’ai de la chance, beaucoup de chance.
Je décide de donner de nouvelles lettres de noblesse à mon ordinateur ; Eh ! Oui tout arrive.
Je l’installe en majesté Il trône maintenant dans le séjour il ne fait plus shabbath. Il a lui aussi de l’espace et n’est plus à la merci de ma méchante humeur dans le bureau reconnu comme un outil du temps !
Le 19 mars et les jours qui suivent j’ai encore à l’esprit un objectif. Même si on ne le sait pas encore exactement : Deux mois pour mettre en ordre des pages et des pages de manuscrits. C’est le luxe et l’énergie qui est encore là avec la volonté de…
Bien sûr il y a beaucoup de voix très chères au téléphone. Ce serait encore mieux s’il y avait un p’tit café avec. Mais confinement oblige ! Et il y a ces murs blancs , ces bouquins sur tous les murs et les téléphones qui sonnent encore mais de moins en moins. Les voix inquiètes – mine de rien – des enfants « ça va maman ? », « n’oublie pas de marcher pendant l’heure autorisée », « qu’est ce que tu lis en ce moment ? »
Et mes murs commencent à être trop présents, et le travail ne sollicite plus l’énergie, et les murs ne rient pas ; j’aimerais tant rire. Le petit square bien joli en dessous de ma maison sans enfants, ça ne rime à rien. Combien de temps encore, personne ne sait plus rien ; on avance dans le fog sur le macadam toujours le même, c’est monotone.
Ce virus en forme de bille rigolote, il se fout de nous : demain, dans quinze jours, après l’école, aux grandes vacances… mais il n’y a pas de masque. Tous à vos machines, vieux draps et vieux torchons.
Et il y a les « coeurs de cible », ceux qui paient matin et soir leur tribut à l’épidémie. Matin et soir on en compte le nombre les radios ne nous font grâce de rien et la question se pose de savoir où les mettre. La bille refuse de leur offrir un chant pour leur fin, digne, humaine tout simplement avec un dernier regard d’amour de leurs proches et l’oreiller doux d’une sépulture……..
DE – CONFINEMENT je ne suis pas citron confit, je ne suis pas doux fruit craquant de sucre sous la dent ; je ne suis pas confite en sainteté, eh non !!
Aujourd’hui, 13 mai, je gueule dans mon espace de confinement, dé-confinement ; je bénis qui ? Quoi ? De m’avoir fait la grâce pour mon 85ième anniversaire de me laisser le brin de vin qui me permettra, contrairement à beaucoup de « coeur de cible », de ne pas attendre empilé avec d’autres, l’entrée du paradis dans les congélateurs des halles de Rungis.