Alep – Mgr Jeanbart
Bien chers amis,
En ces jours de joie et d’Espérance, je vous souhaite un Noël plein de grâces et de bénédictions et je tiens en même temps à partager un peu avec vous ce que, nous vivons ici en Syrie, et ce que nous attendons du Seigneur de la Paix, qui est venu donner son amour aux hommes.
Il est vrai que la guerre perdure dans certaines zones du pays et que la Syrie ne s’en est pas encore tout à fait remise. Mais il est tout aussi bien vrai que des villes entières, comme Alep, ont retrouvé le calme et la sécurité. Il faut reconnaître que les signes avant coureurs d’une Paix qui vient, se dessinent autour de nous et qu’un espoir de plus en plus grand, anime le cœur d’un grand nombre de nos fidèles et nous engage à leur être encore plus présents et disponibles, en vue de préparer avec eux une meilleure vie pour leurs familles, éprouvées par les méfaits d’une guerre impitoyable.
Si durant les années précédentes nous avions pu intensifier notre secours humanitaire d’urgence, en leur offrant le nécessaire pour survivre au jour le jour, notre action aujourd’hui, et depuis la libération d’Alep, a évolué pour s’orienter vers la préparation de leur avenir. Cela évidemment ne nous dispense pas de continuer à nous tenir à leurs côtés, pour subvenir à leurs besoins domestiques les plus urgents en ces jours, encore économiquement difficiles, qu’ils sont en train de vivre.
Nous avons pu continuer à travailler sans relâche à leur service, grâce à nos bienfaiteurs et à nos collaborateurs qui n’ont pas arrêté de nous soutenir généreusement. Il ne nous est évidemment pas possible de détailler, dans ces quelques lignes, la liste de tous ceux qui nous ont aidé en ces dernières années! Nous les bénissons un à un et les remercions de tout cœur. Il ne nous est cependant pas permis d’omettre de signaler le beau cadeau de Noël, de deux millions d’euros, que nous a fait en Décembre dernier la Hongrie, grâce à son premier Ministre. Monsieur Victor Orban a voulu nous témoigner, par ce geste fraternel de solidarité, sa proximité et l’importance qu’il donne à notre survie dans notre cher pays. La moitié de ce don a été réservée, comme souhaité par le donateur, pour la reconstruction de l’une de nos écoles, durement endommagée par les combats. L’autre moitié nous a permis de continuer à aider nos familles, tout en développant les programmes d’action humanitaire et sociale dans le cadre de notre mouvement » Bâtir pour Rester ».
En plus de l’aide directe et diversifiée que nous avons pu continuer à offrire à des milliers de familles appauvries par la guerre, il nous a été possible, cette année, d’augmenter le budget destiné à la restauration des maisons dont le nombre vient de dépasser les 1100 appartements, et commerces. Le nombre des jeunes gens qui ont pu profité de nos prêts gratuits, pour entreprendre leurs petits projets lucratifs, est monté jusqu’à 295 bénéficiers et 85 personnes ont pu être aidées pour retourner, des pays d’émigration, chez eux à Alep. Notre Centre de formation aux métiers a déjà donné diverses formations adéquates à 1077 jeunes gens et jeunes filles, dont un grand nombre a pu trouver un travail utile et rénumérateur. Plusieurs de ces jeunes ont pu participer à la campagne de restauration des maisons, que nous menons depuis trois ans. Un précédent inédit chez nous, un groupe de cinq jeunes filles ont choisi d’apprendre la menuiserie! Cela leur permettra de travailler dans la restauration des maisons antiques d’Alep dont la boiserie requiert des artisans fins et minutieux.
Des chorales, des mouvements de jeunesse chrétienne et des troupes scouts ont pu être aidés à organiser, à l’intention des jeunes et des moins jeunes, des célébrations, des récitals, des tournois sportifs, des kermesses, des rallys, des randonnées, des retraites spirituelles et des camps d’été. Cela a permis une proximité utile et bienfaisante de l’Eglise auprès de milliers de jeunes chrétiens de la ville. Ce fut un moyen utile et significatif pour créer une atmosphère positive de proximité et d’optimisme chez nos jeunes fidèles. Il est évident que cette action coïncide, admirablement bien, avec les recommandations du Synode pour les jeunes, qui vient d’être conclu en Octobre dernier à Rome, ce qui conforte notre engagement et va dans le sens des efforts déployés pour que les jeunes s’attachent davantage à leur pays, se rendant compte qu’ils peuvent très bien y vivre heureux.
Les familles, les mamans, les bébés et les anciens n’ont pas été laissés pour compte. Notre programme d’aide aux nouveaux nés, pris en charge par le diocèse pour toutes leurs dépenses depuis bientôt trois ans, compte actuellement deux cents bébés, ce qui a donné naissance à un regroupement d’autant de jeunes foyers, qui se réjouissent de se rassembler périodiquement autour de leur aumônier. Nos anciens, vivant seuls ou isolés, sont répertoriés par les pasteurs de nos différentes paroisses et servis par un grand nombre de jeunes bénévoles, qui se dévouent généreusement pour leur venir en aide et les assister dans leur besoins les plus urgents. Les femmes et les mamans, soldats inconnus de cette guerre, viennent d’avoir un centre accueillant et spacieux qui les regroupe plusieurs fois la semaine. Ce lieu de rencontre que nous avons inauguré il y a tout juste six mois, a pris pour enseigne: « Cercle de la femme Aleppine », il offre des activités socio-culturelles et ludiques à ses quelques 300 inscrites, auxquelles il permet même d’inviter leurs époux à certaines occasions.
Pour la fête de Noël cette année, nous avons donné des directives à tous nos prêtres, en vue d’enjoliver leurs locaux avec des arbres de Noël et des guirlandes, sans oublier de monter des crèches dans leurs paroisses et d’organiser des événements et des festivités, partout dans la ville. Nous voudrions que les fêtes de cette année, puissent donner aux fidèles restés à Alep de la joie, de l’optimisme et l’espoir d’un avenir souriant qui leur donne des raisons de croire à un beau lendemain auquel ils aspirent tous.
Face à l’exode qui a frappé notre communauté chrétienne et qui nous a privés d’une bonne partie de nos ressources humaines, nous nous sommes trouvés dans l’obligation de faire des efforts tout particuliers, dans l’éducation et la formation de la nouvelle génération que le Seigneur a bien voulu nous garder. Nous nous sommes débattus pour que nos 4 écoles et nos 3 instituts de formation professionnelle ne soient pas obligés de fermer leurs portes. Les parents ayant été dépourvus de toute ressource, cela nous a portés à assurer des bourses d’étude pour leurs enfants. Plus de 8.000 subventions scolaires ont été accordées aux élèves de nos écoles chrétiennes durant les sept dernières années. Nous ne cessons d’insister auprès de nos directeurs, pour qu’ils stimulent les enseignants à faire de leur mieux en vue de qualifier les élèves. Nous voudrions remplacer le nombre diminué de nos fidèles par la qualité de ceux qui sont restés et permettre ainsi à nos nouvelles générations de se distinguer dans la société par leur excellence. Grâce à Dieu, les résultats scolaires de ces trois dernières années ont été remarquables et le succès inégalé de nos élèves aux examens officiels nous honore, nous rassure et nous donne beaucoup d’espoir pour l’avenir.
Le diocèse travaille à l’heure présente sur sept chantiers de restauration et construction dont: les locaux de l’Archevêché et de la résidence épiscopale, la Cathédrale, le foyer universitaire, la bibliothèque, l’Institut Saint Basile ( école de tourisme), le Centre Pastoral Saint Georges et la finition du projet d’habitat « Amal ». Pour faire face au problème du logement, logement auquel nos jeunes ne peuvent plus avoir accès vue l’inflation terrible causée par la guerre, nous avons entrepris deux projets d’habitats. Un premier de 66 appartements sera terminé dans les mois qui viennent et un second de trois immeubles, vient d’être lancé et qui est supposé pouvoir loger une centaine de jeunes foyers d’ici deux ans. Nous espérons que ces deux projets encourageront nos jeunes à s’établir pour continuer à vivre dans leur pays. Heureusement, les différents projets que nous menons ont permis de donner du travail à quelques 400 employés entre enseignants, coopérateurs dans l’humanitaire, fonctionnaires, ingénieurs et ouvriers de chantiers. Ce qui représente un soutien utile aux chômeurs, en attendant la reprise économique espérée du pays.
Jours et nuits nous remercions le Seigneur qui, grâce à la générosité de nos bienfaiteurs et à la dévotion de nos collaborateurs, nous a permis d’être en mesure d’aider nos chrétiens à Alep. Nous souhaitons que la Nouvelle Année puisse apporter avec elle, la Paix et la Concorde pour notre bonheur et pour celui de tous les hommes de bonne volonté.
Alep le 22 Novembre 2018
+Jean-Clément JEANBART
Archevêque d’Alep