Matinée de récollection 11/11/7 – Foi et Engagement
Matinée de récollection, 11 novembre 2017.
« Comment la foi nourrit nos engagements ?
Comment nos engagements nourrissent notre foi ? »
I. Présentation du message N’aimons pas en paroles, mais par des actes
1. Aspect théologique
Qu’est-ce qui nous est rappelé au sujet de Dieu ?
– Dieu est Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit. Le cœur en est l’amour miséricordieux qui ne demande qu’à se diffuser, pour être reçu dans le cœur des croyants afin d’aimer.
– Aimer, comme Jésus, le Verbe de Dieu qui a pris chair. Pas en discours creux et vains, mais en actes. Un amour fondé sur 2 pierres angulaires : l’antécédence de l’amour de Dieu et un amour qui se donne entièrement.
– Répondre à cet amour en l’accueillant dans nos humanités limitées et pécheresses. D’une part, être habité par la grâce et la vie de l’Esprit Saint. D’autre part, extérioriser la compassion (sentiment d’amour) par des œuvres de miséricorde à l’endroit des frères en difficulté.
2. Aspect ecclésiologique.
– Les premières communautés chrétiennes se caractérisent par la mise en commune des biens des fidèles et par le souci des pauvres (institution des Sept, ancêtres des diacres). La visibilité de l’Eglise tient donc dans le souci et le service des pauvres. C’est la manière d’être fidèle à Jésus, à son enseignement des Béatitudes.
– La foi ne peut pas aller sans la charité. Bien plus la charité est la mise en œuvre de la foi. L’Eglise doit donc veiller à ce que la foi ne meure pas, qu’elle soit toujours ravivée par la charité.
– Une Eglise en sortie, car l’attention aux plus pauvres invite à leur tendre la main, mais aussi à remarquer leur main tendue vers nous … qui nous invite à sortir de nos certitudes, de nos conforts.
– L’Eglise est le lieu de résonnance de l’appel lancé par les pauvres : « Un pauvre crie ; le Seigneur l’entend. »
3. Aspect charismatique.
– Quand l’Institution ecclésiale flanche (« en se laissant contaminer par la mentalité mondaine »), l’Esprit Saint prend le relai. C’est le surgissement prophétique d’hommes et de femmes qui se mettent radicalement au service des pauvres (avec simplicité, humilité et généreuse imagination de la charité) et qui y remettent l’Eglise.
– De saint François d’Assise, nous retenons son engagement parmi les lépreux, bien plus fort qu’une embrassade et une aumône. Expression de la conversion du cœur qui passe par un changement de style de vie.
– Cette intuition charismatique personnelle a été l’occasion d’une réception dans l’Eglise, mais aussi comme style de vie adopté par beaucoup.
4. Aspect sacramentel.
– La présence et l’engagement auprès des plus pauvres est en continuité avec l’Eucharistie : c’est le même corps du Christ que nous touchons dans le pain consacré et dans le corps couvert de plaies du pauvre. Ainsi, si l’on veut avoir une rencontre et un partage avec le Christ en son Eucharistie, nous devrions faire l’expérience qui introduit « à une rencontre authentique avec les pauvres et donner lieu à un partage qui devient style de vie. »
– Le pauvre illustre au mieux la notion de « sacrement du frère » comme le donne à méditer le lavement des pieds en lieu et place de l’institution de l’Eucharistie dans l’évangile de Jean.
– Et cela pose la question de l’authenticité de notre communion sacramentelle. « Si nous voulons rencontrer réellement le Christ, il est nécessaire que nous touchions son corps dans le corps des pauvres couvert de plaies, comme réponse à la communion sacramentelle reçue dans l’Eucharistie. Le Corps du Christ, rompu dans la liturgie sacrée, se laisse retrouver, par la charité partagée, dans les visages et dans les personnes des frères et des sœurs les plus faibles. »
5. Aspect existentiel.
– Les pauvres sont des personnes qui invitent à la rencontre, à la considération, à la proximité, à l’affection.
– Les pauvres nous invitent à une suite de Jésus, pauvre. C’est la découverte d’une possible vocation. Mais c’est surtout une attitude spirituelle qui évangélise le cœur en le détournant des richesses matérielles et en l’orientant vers le vrai Bien, et qui permet de compter sur Dieu.
– La pauvreté est un critère de discernement : « la mesure qui permet de juger de l’utilisation correcte des biens matériels, et également de vivre de manière non égoïste et possessive les liens et affections (cf. Catéchisme de l’Église catholique, nn. 25-45). »
– La pauvreté demande à être combattue, surtout quand elle est facteur de marginalisation.
6. Aspect sociétal.
– Les réalités de la pauvreté sont complexes, mais elle se manifeste par des visages d’hommes, de femmes et d’enfants … le plus souvent exploités par des systèmes, d’autres hommes, des intérêts mercantiles, etc. « La pauvreté est fruit de l’injustice sociale, de la misère morale, de l’avidité d’une minorité et de l’indifférence généralisée ! »
– On ne peut pas baisser les bras : face à toutes ces situations et ces visages que faire ? « Il faut répondre par une nouvelle vision de la vie et de la société. » Et l’on ne peut s’empêcher de penser au pouvoir transformant de l’Evangile, peut-être même révolutionnaire !
– C’est l’actualité de l’espérance car Dieu vient à l’aide de ceux qui se dépensent gratuitement et généreusement pour leurs frères les plus pauvres et bénit ainsi l’humanité souffrante : « ce sont des mains qui font descendre sur les frères la bénédiction de Dieu. »
7. Aspect spirituel.
– La miséricorde encore et toujours comme manière de vivre de l’Eglise, en Eglise et en sortie d’Eglise à la faveur de la rencontre avec les pauvres … comme Jésus l’a fait et demande de le faire.
– Une ascèse qui incite à se détourner de la culture du rebut et du gaspillage pour favoriser la culture de la rencontre, du partage et de la construction de ponts et non pas de murs et de frontières.
– Inviter des pauvres à prier, célébrer. Pour qu’ils ne soient pas simplement l’objet de notre attention … mais des frères qui s’adressent comme tels à Dieu, leur père commun.
– L’horizon de la fête du Christ-Roi comme vérité de ce Dieu que nous vénérons. « La royauté du Christ, en effet, émerge dans toute sa signification précisément sur le Golgotha, lorsque l’Innocent cloué sur la croix, pauvre, nu et privé de tout, incarne et révèle la plénitude de l’amour de Dieu. Son abandon complet au Père, tandis qu’il exprime sa pauvreté totale, rend évident la puissance de cet Amour, qui le ressuscite à une vie nouvelle le jour de Pâques. »
– La présence aux pauvres, l’engagement auprès d’eux … nous font vivre et comprendre de l’intérieur la sagesse évangélique : « partager avec les pauvres nous permet de comprendre l’Évangile dans sa vérité la plus profonde. »
– Mais cela présuppose que l’on accepte cette posture : « Les pauvres ne sont pas un problème : ils sont une ressource où il faut puiser pour accueillir et vivre l’essence de l’Évangile. »
II. Mise en commun de l’échange dans les groupes
Groupe I
➢ Le chrétien est celui qui ose la rencontre en prenant des risques.
➢ L’importance de la rencontre comme « action d’aller vers quelqu’un qui vient » (Littré)
➢ Eviter le danger du repli identitaire, de l’entre soi, car les chrétiens sont de plus en plus minoritaires.
➢ Le pauvre peut aussi nous donner ; à nous de croire à la réciprocité et à la « force transformante de la charité »
Groupe II
➢ Se reconnaitre prophète pour :
o Porter une parole forte
o Agir au quotidien
o « avec » et pas seulement « pour »
Groupe III
➢ Savoir se rendre disponible, c’est manifester quelque chose de l’amour du Christ pour chacun
➢ Oser témoigner de sa foi dès que l’on sent que c’est possible.
➢ Être conscient que nous sommes envoyés au nom du Christ et d’une communauté.
Groupe IV
➢ Aucun de nous n’est juste mais nous sommes des justifiés. Pas au-dessus des autres.
➢ Risque des mots :
o quand on dit « regarder avec miséricorde », « avoir le souci des personnes », « au service des autres » c’est courir le risque de se mettre au-dessus des autres et pas avec comme « vivre en frères »
o attention « les chrétiens qui savent et les autres »
➢ Chacun a son histoire, ses engagements. Mettre en valeur cette diversité qui s’exprime tant à l’intérieur de la communauté qu’à l’extérieur. Que la célébration soit signe de nos diversités.
➢ Etre à l’écoute de ceux qui ont une spiritualité qui n’est pas nourrie ou qui est différente de la nôtre.
➢ Attention à se rappeler toujours la complexité de la société dans laquelle on est et que notre communauté doit comprendre. Cette complexité et les injustices qu’elle provoque (intentions de prière, témoignages)
III. Echanges, discussion.
– La foi et l’engagement se nourrissent réciproquement.
– Nous sommes invités à traduire dans le concret la relation à la personne du Christ rencontrée dans le pauvre.
– L’engagement social invite à la relecture pour le mettre en cohérence avec sa foi ; l’engagement social peut faire l’objet d’une approche également laïque. Alors, existe-t-il une spécificité de l’engagement chrétien ?
– Nous faisons communauté avec les deux accents : 1) rencontrer Dieu pour aller vers les pauvres ; 2) Rencontre les pauvres pour aller à Dieu. Il s’agit de partir à la découverte du Tout-Autre en allant à la découverte de l’autre. C’est un acte de foi envers l’autre qui manifeste l’Autre.
– Les valeurs humaines ne sont pas différentes des valeurs chrétiennes : on évitera de récupérer à tout prix des « chrétiens anonymes » parmi les hommes manifestant de la générosité et de l’amour envers les autres, en particulier les plus pauvres.
– Le pauvre se demande toujours comment il va être accueilli par l’autre ; il y a toujours une peur de l’autre. Comment faire, quand on a toujours été un repoussoir, avec le sentiment d’être différent, de ne pouvoir avancer ? Ici, la foi est importante pour se reconstruire car « on ne marche pas pareil quand on marche avec Jésus. » Nous avons foi en Celui qui a souffert pour nous ; pour rejoindre la croix des souffrants d’aujourd’hui, qu’est-ce que je peux faire ?
– La foi et l’engagement réciproques : la foi « héritée » est redécouverte dans l’engagement à ATD Quart-monde, où l’on passe de « l’aide » à « l’être avec » qui est une façon « d’aimer son prochain comme soi-même »
– L’engagement citoyen et la foi : l’Esprit ne souffle pas seulement dans l’Eglise. Pour le chrétien, rencontrer le Christ revient à rencontrer le Christ dans les plus pauvres. Cette rencontre est transformante, car on reconnaît ses propres fragilités dans la rencontre du blessé de l’existence.
– Les pauvres sont des personnes en situation difficiles : ils ne sont pas à stigmatiser.
– La pauvreté matérielle, financière, … sans oublier les pauvretés multiples que l’on est amené à rencontrer.
– Un engagement ecclésial et citoyen … qui entraîne un décapage intérieur par la rencontre de la personne différente.
– Il y a une interaction entre la rencontre individuelle des pauvres, localement, et la sensibilisation à l’affrontement global, la mondialisation, pour en comprendre la complexité : et cela permet l’investissement dans la lutte pour contrecarrer les inégalités.
IIII. Mis en perspective : foi <-> engagement.
– Cette réflexion commune avait pour but de s’édifier les uns les autres par le partage de nos engagements et de leur source. En nous édifiant les uns les autres, nous participons aussi à l’édification de notre communauté paroissiale … et de l’Eglise.
– Les valeurs évangéliques sont les mêmes que les meilleures valeurs humaines. Le Christ est venu révéler ce que devrait être la réalité d’une humanité portée à son excellence. Nous rencontrons des hommes et des femmes qui, sans être disciples du Christ, vivent une très belle humanité, attentifs aux autres hommes, s’engageant en faveur des déshérités, etc. En lisant Mt 25, 31 ss. Nous comprenons que le jugement portera essentiellement sur ce que l’on a fait aux Petits dont Jésus affirme qu’ils sont mes frères ! On se rend compte que dans les différents cercles où nous évoluons pour nous mettre au service des autres, nous constatons qu’il y a quelque chose de profondément évangélique dans tout ce qui est humainement vécu. On s’en réjouira, on en rendra grâce … mais on adoptera la vertu de prudence quant à une éventuelle qualification de « christianisme plus ou moins anonyme » !
– La transmission : qu’est-ce que l’on transmet de ses convictions aux générations suivantes ? C’est un vrai questionnement qui habite, qui hante parfois, la conscience des parents et des grands-parents qui voient leurs enfants et petits-enfants s’éloigner de la pratique religieuse. Justement, les témoignages des descendants lors des obsèques sont assez éloquents : il en ressort que toutes les qualités profondément humaines sont mises en évidence et en valeur. C’est donc la profondeur d’humanité qui est transmise, qui est à transmettre … comme un terreau favorable pour l’évangélisation, où la foi pourra les rejoindre un jour peut-être. Benoît XVI, dans Porta fidei, indique que nous avons à être des témoins qui ouvrent le cœur à la réception de l’Evangile et de la foi. Ainsi, notre engagement évangélique en faveur des exclus portera-t-il sur leur dignité humaine : un frère en humanité s’approche d’un autre frère, blessé par l’existence, pour lui dire qu’il lui ressemble et qu’il est digne d’être aimé. Benoît XVI écrivait aussi que, en regardant l’histoire mélangée de l’Eglise pendant 20 siècles, la sainteté fait toujours progresser l’humanité : chaque forme de sainteté permet un accroissement d’humanité. D’où la question qui m’est adressée et qui est adressée à notre communauté paroissiale : Qu’est-ce que je fais pour que l’humanité progresse autour de moi ?
– Nous avons donc réussi, modestement, à nous édifier en partageant ces progrès d’humanité dont nous sommes témoins dans les différents lieux où nous sommes attelés à cette noble et sainte tâche des œuvres de miséricorde.
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